Vivre en liberté, sans se soucier du lendemain, dans un esprit de paix et d’amour, telles sont les ambitions des hippies. L’auteur, Gabrielle Maudet, garde un autre souvenir de cette époque. Dans son roman, Un long ruban de goudron sec (Scali), elle retrace son parcours, depuis son village breton jusqu’au continent africain. C’est dans son petit appartement de Belleville que j’ai rencontré cette femme touchante, un peu perdue comme son personnage, gardant un pied sur les longs chemins la menant au bout du monde, l’autre à Paris où elle a décidé de s’installer. La peinture étant son activité principale et vitale, ses toiles recouvrent le sol et les murs.
De l’Afrique vers Katmandou
Gabrielle a vécu mille vies, vu mille paysages. Le livre s’achève en Afrique, aux côtés de Louis. Celui-ci décide de lui faire un cadeau, empoisonné : il retrouve sa famille à Rennes et la laisse définitivement auprès de ceux qui l’ont abandonnée lorsqu’elle était adolescente. Gabrielle ne parvient pas à renouer les liens et décide de partir... en Inde ! Pour la première fois, elle se retrouve seule. Elle fait du stop, prend des trains, des autobus... En chemin, elle fait de mauvaises rencontres, se fait voler son argent… Elle met un an pour arriver à bon port. L’herbe lui permet d’avancer, toujours plus loin, et surtout de faire de trouver des contacts pour se sentir moins seule.
En Afghanistan, au Yemen, en Iran, elle n’a pas si peur : on a l’habitude de voir passer les hippies… Dans les échoppes, on trouve des fripes laissées par les globe-trotters qui n’ont plus d’argent pour finir le voyage. Elle-même doit vendre ses bijoux et ses effets personnels pour pouvoir continuer la route. Elle ne garde rien de cette époque si ce n’est quelques photos d’elle et de ses amis…
Nouveau départ : Haïti
De retour en France, à 37 ans, elle met au monde deux filles. A ce moment-là, elle est obligée, pour survivre, de travailler. Elle raconte en effet dans son roman que hormis son apprentissage, elle n’a jamais exercé une activité lucrative. Elle est engagée comme vendeuse aux Galeries Lafayette. Elle rencontre alors Bruno, un maquettiste. Loin de se sédentariser, ensemble, ils partent pour Haïti. Là-bas, il fait des maquettes de bateaux que Gabrielle vend pour gagner de l’argent.
Au bout de sept ans, ils reviennent en France, à cause de la situation politique du pays.
Retour définitif à Paris : écrire, enfin
Après des années à voyager autour du monde, Gabrielle Maudet pose ses valises définitivement à Paris avec son compagnon et ses deux filles. Un jour, elle se décide à mettre de l’ordre dans ses notes, notes prises grâce à Louis qui lui a donné le goût de l’écriture. Elle conserve tous ses cahiers d’écolier, dans une valise en carton. Si elle a tout perdu au cours de ses voyages, il lui reste encore ces nombreuses pages manuscrites, témoins de ces années d’errance. Soutenue par son compagnon, Bruno, elle prend la plume pour écrire Un long ruban de goudron sec : « J’ai mis dix ans à écrire ce roman ; il a fallu que je fasse une psychanalyse, des enquêtes et revoir certaines personnes, certains lieux… » Ce travail d’écriture est douloureux puisqu’elle doit fouiller au fond d’elle-même pour se remémorer des moments difficiles.
L’écriture : une mise à nu de soi
Lucide, elle revient sur son passé et définit sa narratrice comme « quelqu’un d’un peu bécasse, qui n’a rien compris à la vie ». C’est grâce à ses nombreux voyages qu’elle a forgé son caractère et pris conscience de la réalité du monde. Il lui a fallu des années pour apprendre à être indépendante, savoir ce qu’elle veut faire et pourquoi : « A l’époque, je vivais comme l’air, tout m’était permis ». Louis a joué un rôle particulier : il lui a permis de prendre confiance en elle et de se mettre à écrire, elle qui n’a pas été jusqu’au certificat d’études : « Petite, on ne s’est jamais occupée de moi : ni ma famille ni l’école. J’avais le sentiment que l’école, ça n’était pas pour moi… Je n’étais pas faite pour ça… Et on ne savait pas où me mettre ».
Parce qu’elle s’est sentie toujours inférieure aux amis qu’elle croisait sur son chemin, jeunes gens cultivés, argentés, elle a voulu leur prouver qu’elle est capable de mener à bien un projet de longue haleine en écrivant ce roman.
Gabrielle Maudet a encore de nombreux projets : expositions de peintures, écriture de la suite de ses aventures… Je lui souhaite bonne route !