Ce matin, en ouvrant Le Monde, je découvre en page 2 un article qui vous intéressera sûrement sur le coaching littéraire. Un auteur, Hugues Goyé, a voulu rendre publique sa mésaventure avec un agent littéraire, Katia Joffo. Aussitôt, le nom de cet agent a fait tilt : j’ai retrouvé dans ma boîte mail le message d’une personne qui, ayant déjà été victime de l’Agence littéraire (de Versailles), voulait mon avis sur Katia Joffo. Celle-ci l’avait contactée pour l’aider à trouver un éditeur pour la coquette somme de 900 euros, exactement la même somme proposée par l’Agence littéraire. Ce mail remonte à avril 2011. J’avais répondu à l’époque que s’il s’agissait de coaching, il n’y avait rien de répréhensible à demander de l’argent en échange de cette prestation. En revanche, si cette somme devait servir uniquement à chercher un éditeur, cette agence ressemblait alors à l’Agence littéraire qui demandait à son client de la payer avant de se mettre en contact avec des maisons d’édition, ce qui est contraire aux habitudes des agents.
Dans l’article du Monde, Hugues Goyé rapporte qu’il a envoyé son manuscrit à plusieurs maisons d’édition qui ont renvoyé une lettre de refus. Soit. Mais quelques jours plus tard, il reçoit cette lettre de Katia Joffo :
« Récemment un lecteur qui souhaite rester anonyme - et je respecte son souhait - a repéré votre manuscrit, l'a bien aimé et a regretté que l'éditeur le refuse. Se confiant à nous, puisque nous travaillons ensemble, et me disant son regret de ne pas le voir publié, je lui ai proposé de vous écrire lui-même. Mais le lecteur a préféré nous confier vos coordonnées pour que nous vous écrivions. »
Déjà en 2008...
En fouillant dans ma seconde boite mail, j’ai retrouvé le message d’un autre auteur qui m’a fait part de la même mésaventure : il avait envoyé son manuscrit à des éditeurs et quelque temps plus tard, il recevait cette réponse type de Katia Joffo :
Message du 01/10/08 20:58
De : "le coaching littéraire"
A : undisclosed-recipients:;
Copie à :
Objet : Votre manuscrit
Bonjour,
LE COACHING LITTÉRAIRE - www.coachinglitteraire.com - travaille avec plusieurs lecteurs qui lisent les manuscrits pour nous et pour plusieurs maisons d’édition.
Récemment un de nos lecteurs qui souhaite rester anonyme - et je respecte son souhait - a repéré votre manuscrit, l’a bien aimé et a regretté que l’éditeur le refuse.
Se confiant à nous - puisque nous travaillons ensemble - et me disant son regret de ne pas le voir publié, je lui ai proposé de vous contacter lui même mais le lecteur a préféré nous confier vos coordonnées pour que nous vous écrivions.
Sans doute avez eu un manuscrit refusé par un éditeur…
Ce qui explique notre courrier.
N’hésitez pas à nous téléphoner :xxxxxx.
A bientôt.
Cordialement,
Katia JOFFO.
L’auteur ainsi contacté en 2008 avait répondu à Katia Joffo qu’il éprouvait un « sentiment de violation et d'insécurité », et était révolté de cette démarche agressive puisque normalement c’est à l’auteur de solliciter l’aide d’un coach et non le contraire.
Plus tard, en 2010, l’auteur Frédéric Delorca m’avait lui aussi signalé qu’il avait dû payer cette agence littéraire dans l’espoir de pouvoir être édité. En vain. Finalement, il avait trouvé lui-même un éditeur.
Au-delà de payer pour ne pas être édité, la journaliste du Monde rappelle que ces éditeurs qui transmettent les coordonnées ainsi que le manuscrit d’un auteur sans lui demander la permission commettent un délit puisqu’ils transgressent la loi du 6 janvier 1978. Hugues Gayé a voulu, en s’adressant au Monde, dénoncer cette pratique. Le quotidien a mené l’enquête pour savoir qui avait renvoyé ce manuscrit à l’agence littéraire. Les éditeurs auraient tous nié sauf Jean-Daniel Belfond, fondateur des éditions de L'Archipel. En effet, celui qui se dit l’ami de la nièce de Joseph Joffo lui ferait parvenir près de mille manuscrits par an qu’il ne souhaite pas publier sans pour autant lui demander de contrepartie financière. Là encore, on peut s’étonner de cette pratique : c’est en général un agent mandaté par son client qui s’adresse à un éditeur et non le contraire… Pour se défendre, J-D Belfond a assuré qu’il cessera toute collaboration avec sa « vieille copine ».
Le Monde était beaucoup plus tendre en 2009
Toutefois, Le Monde ne s’est pas toujours montré aussi critique à l’égard de Katia Joffo, le 13 novembre 2009, le quotidien publiait un article sur le coaching littéraire et qui se voulait alors élogieux à l’égard de cet agent (l’article est en ligne sur le site de Katia Joffo…) : « Il y a quelques années, Katia Joffo - nièce de Joseph, l'auteur d'Un sac de billes - a créé son entreprise. « Auparavant, je travaillais dans un journal, au sein d'une régie où je dirigeais la publicité littéraire, raconte-t-elle. J'étais sans cesse sollicitée par mon entourage professionnel ou amical pour des conseils de publication. En 2005, j'ai décidé d'en faire une véritable activité. » « Je ne refuse aucun manuscrit, explique Mme B., une coach québécoise, Katia Joffo, elle, « écrème » beaucoup en amont. « On est très élitistes. On fonctionne comme les boîtes à bac qui ne gardent que les meilleurs. Du coup, nous visons 100 % de réussite ! Cela peut paraître prétentieux, mais nous tenons à rester professionnels, nous ne présentons que les textes qui ont leur chance. Si ça vaut le coup, on se lance dans la recherche de l'éditeur. Cela peut prendre trois mois ou trois ans. » On pourra cependant s’étonner que Katia Joffo ne cite pas un seul auteur parmi ses clients… Un peu plus loin, dans l’article du Monde, un nom a retenu encore une fois mon attention : celui de Jean-Daniel Belfond qui affirme aujourd’hui ne pas faire appel à Katia Joffo… Voici donc ce qu’il pense des agences comme celles de son amie : « Certains [éditeurs] se montrent plutôt favorables, 95% des textes qui nous arrivent sont innommables, note Jean-Daniel Belfond des éditions de l’Archipel : «Non seulement, ils sont impropres à la publication mais ils sont totalement illisibles. Ils auraient grand besoin de transiter par quelqu’un qui opère sur le fond comme sur la forme, une mise aux normes éditoriales. Ensuite, je ne vois pas pourquoi quelqu’un qui a une bonne histoire mais qui écrit mal ne pourrait pas décider d’investir en faisant appel à un coach. Au fond, nombre d’éditeurs font appel à des nègres pour mettre en forme un texte ». Cette déclaration ne laisse-t-elle pas entendre que J.-D. Belfond et Katia Joffo travaillent main dans la main, et que les manuscrits transitent d’une main à l’autre et réciproquement ? Pour le moment toutefois, Katia Joffo mise en cause dans l'article du Monde du 26 septembre 2012 n'a pas répondu aux sollicitations de la journaliste.
Avec cette nouvelle enquête, espérons que les auteurs en quête d’éditeurs se méfieront davantage encore des soi-disant agences de coaching littéraire. Il faut également distinguer deux démarches : soit l’on cherche à améliorer son texte, dans ce cas, les coachs et les ateliers d’écriture peuvent être une aide précieuse ; soit l’on fait appel à un agent littéraire, dans ce cas, rappelez-vous que ce n’est qu’à la signature du contrat avec l’éditeur que l’on partage ses gains avec son agent.
Encore une dernière petite astuce : pour être sûr qu’un agent littéraire est fiable, consultez son site et s’il ne se vante d’avoir tel ou tel auteur dans son écurie, méfiance !
Des liens qui vous seront sûrement utiles :
L’annuaire des agences littéraires
Les péripéties de l’Agence littéraire de Versailles
La lettre type de Katia Joffo retrouvée sur Internet
Un billet sur les méthodes d'approche de l’agence de coaching de Katia Joffo
Nouvelle édition : Réponse de Katia Joffo dans Le Monde du 7 octobre 2012
A la suite de la publication de l’article « Coach littéraire cherche manuscrits refusés » ( Le Monde du 26 septembre), Katia Joffo nous a adressé la lettre suivante :
« Le ton de cet article laisse à penser que mon activité professionnelle serait fantaisiste et qu’elle confinerait à l’escroquerie en laissant espérer de façon trompeuse et malhonnête à des auteurs la publication d’un ouvrage qui, jusqu’alors, leur aurait été refusée. Il s’agit là d’une contrevérité manifeste. Mon activité consiste à accompagner les auteurs dont le manuscrita été refusé par certaines maisons d’édition en les aidant à retravailler leurs textes grâce à des fiches de lecture rédigées par des “lecteurs” professionnels qui sont d’ailleurs, pour la plupart, les mêmes que ceux que font travailler les maisons d’édition et qui sont rémunérés par moi pour ce faire. Les résultats que j’obtiens sont satisfaisants puisque je parviens à faire éditer et publier une vingtaine d’ouvrages par an. Le fait que des maisons d’édition m’envoient les coordonnées de certaines personnes dont les manuscrits sont refusés par elles laisse à penser que mon travail n’est en rien une escroquerie et donne entière satisfaction.