Je ne sais pas si mardi dernier vous étiez branchés sur France 3 pour regarder Le Grand Meaulnes, mais moi, je m’en suis dispensée. Non par dédain, mais parce que ce film a fait l’objet de ma première chronique au Magazine des Livres, il y a plus de deux ans maintenant. Voici ce que j’en avais pensé :
Le Grand Meaulnes est le « classique » de la littérature au collège : on se souvient tous avec nostalgie de cet aventurier Auguste Meaulnes, débarquant un jour, à Sainte-Agathe, bousculant le quotidien du petit François Seurel, le fils de l’instituteur. On se souvient de cet univers merveilleux et fantasmagorique, de la fête étrange au « Domaine mystérieux » et de la rencontre amoureuse entre Meaulnes et la belle Yvonne de Galais.
Mercredi 18 octobre 2006 est sorti en salles l’adaptation de ce roman, réalisé par Jean-Daniel Verhaeghe. C’est le jeune Jean-Baptiste Maunier (repéré dans Les Choristes) qui joue le rôle de François et Nicolas Duvauchelle celui de Meaulnes. De toute évidence, il y a un problème de casting : les deux personnages sont censés avoir trois ans d’écart, François 14 ans et Auguste 17, or, les deux acteurs ont dix ans d’écart et cela crève l’écran ! Et l’on frise le ridicule dans la dernière partie du film lorsque François, instituteur en stage, porte une moustache postiche pour se vieillir !
D’autre part, alors que le roman met l’accent sur l’atmosphère féerique, l’admiration que suscite Meaulnes envers ses camarades et les jalousies que cela suscite, le film se réduit à l’aventure. En effet, Meaulnes y devient un grand gaillard, dédaigneux et solitaire, se faisant appelé « le Grand Meaulnes » par ses camarades parce qu’il a sauvé l’un d’eux d’une noyade. Le thème de l’amitié n’est pratiquement pas exploité : Auguste éprouve une certaine amitié envers François mais se tient toujours à distance de lui. Quant à Frantz, le frère d’Yvonne, il a un rôle dérisoire dans le film et n’apparaît plus comme l’amoureux transi qui a fait une tentative de suicide déçu d’avoir été abandonné par sa fiancée le jour des noces. Tandis que dans le roman Frantz joue un rôle essentiel dans l’intrigue, vit une existence de bohémien, part sur les routes pendant trois ans à la recherche de celle qu’il aime, dans le film, il est un homme frivole, passionné d’aviation et satisfait de retrouver sa fiancée dont il n’avait plus de nouvelles. Plus d’amour absolu, plus de quête…
En revanche, le film s’est concentré sur deux aspects ignorés ou très peu exploités dans le roman : l’école et l’autobiographie. Ah, que certains doivent être nostalgiques du temps béni de la Troisième République avec ses blouses grises, ses belles écritures à l’encre et son instituteur respecté ! Ce film surfe sur la vague des Choristes, du pensionnat de M6… Nombreuses sont les scènes où l’on nous montre le professeur en classe, faisant des dictées, ou en sortie, ne manquant pas une occasion pour expliquer les mystères de la nature sous les yeux ébahis d’élèves bien peignés… Quant au second aspect, il ne présente aucun intérêt. On a dû trouver que la fin du roman laissait trop de place à l’imagination, on s’est donc chargé, de façon radicale, du destin de Meaulnes, clin d’œil à celui d’Alain-Fournier !
Si le roman évoquait avec une certaine mélancolie les amours malheureuses de cet aventurier téméraire et fidèle que fut le Grand Meaulnes, le film est d’un ennui profond… Les scènes, très académiques s’enchaînent sans transition, les images semblables à des cartes postales d’un temps passé n’éveillent aucune émotion. L’ensemble est terriblement poussiéreux et sans charme. Si l’objectif était de montrer la modernité de ce classique, c’est raté !