Nous sommes nombreux à connaître Marc Pautrel via un premier blog, La Littérature puis un autre Ce métier de dormir et un site. Voici qu’un livre aux éditions Atelier In8 vient de paraître : Je suis une surprise, dans la collection Alter&ego dont voici le projet :
« L'autre. Le grand autre.
Entre le besoin et le désir. Le désir de l'Autre. Dans le manque évidemment. Car c'est du manque que surgit la littérature.
La littérature en puissance dans l'autre. La fiction de l'auteur et de son autre.
La mise en chemin (en fiction) vers l'autre. De et vers l'autre rive.
L'autre. L'alter en nous.
(…)
En prose. Mais dans une prose qui invente sa langue, qui prend le risque de l'autre, donc de l'inattendu. L'écrivain est celui qui à l'injonction de suivre la route, s'en écarte et prend d'autres directions, celles qui ne sont pas programmées.
« Si tout est programmé, rien n'arrive. », écrivait Jacques Derrida.
Les auteurs d'Alter & Ego ne l'oublieront pas », promesse faite par le directeur de collection Claude Chambard.
Je suis une surprise propose une réflexion intéressante : qui suis-je ? Qui de moi ou des autres me connaît le mieux ? N’est-ce pas par l’écriture finalement que je me construis ? Marc Pautrel s’interroge sur ce qu’il est, son enfance, réelle ou fantasmée, appartenant à lui ou à un étranger, ses choix…
L’incipit est surprenant, presque agressif : « Je m’appelle Marc Pautrel. Souvent on m’appelle Marc ou alors Pautrel ; je n’aime pas ça, je suis Marc Pautrel et pas un autre, ni Marc, ni Pautrel. » Et puis, très vite, le narrateur prend confiance et nous invite plus chaleureusement à partager ses souvenirs d’enfance à travers l’Hexagone aux côtés de ses parents et de son frère. Son père, employé de banque, est muté régulièrement. Les différents déménagements offrent au narrateur de multiples sensations, celles agréables et suaves des vignobles de l’Est, celles cafardeuses des régions pluvieuses et asphyxiantes de l’Ouest, celles rayonnantes enfin du Sud.
Marc Pautrel suit le cours chronologique de son existence. Il évoque, épars, ce qui lui revient en mémoire : un album illustré pour les enfants, la découverte d’un crâne humain dans une benne près d’un cimetière, une sortie en Optimist, une balade en famille à Bruges…
Freud le guette, l’interroge, le fait douter de ce qu’il croit savoir de ses souvenirs : sont-ce les siens, ou ceux transformés par les propos de ses proches ? « Puisque je suis un homme né au XXème siècle après la mort de Freud, je devrais me persuader que tout ce que j’ai oublié était ce que je ne supportais pas. Mais je suis moi-même une surprise. Les souvenirs que je possède ne m’appartiennent pas, ils me font visiter l’intérieur du corps d’un autre ».
Sa propre écriture l’étonne également. Il se remémore le jour où il découvre les manuscrits de textes introspectifs « impubliables » et parmi eux, une feuille au « style superbe car je crois reconnaître le texte d’un grand auteur contemporain », avant de réaliser que cette page qu’il croit d’un autre et dont il se sent incapable d’en reproduire le style, est de lui, et de comprendre que ces années de graphomanie n’ont peut-être pas été inutiles, qu’elles lui ont permis d’être l’auteur qu’il est aujourd’hui.