Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Lalettrine.com

Anne-Sophie Demonchy
Des livres, des films, des expos et bien plus encore...

 

Mail : annesophiedemonchy [a] lalettrine.fr

Twitter : @asdemonchy

Mon CV : annesophiedemonchy.com

 

 

768 000  lecteurs et
plus de 230 livres chroniqués
depuis le 21 août 2006

follow-me-twitter.png

Recherche

Ma bibliothèque

Mes livres sur Babelio.com

Archives

Infos







logo-lettrine-negre-litteraire.jpg

 

 

classement-lettrine.jpg

 





9 avril 2009 4 09 /04 /avril /2009 12:54

Aimez-vous les tragédies ? D’emblée, en lisant la première page, vous savez que les personnes ne s’en sortiront pas indemnes, traverseront des épreuves périlleuses et s’entredéchireront.  Enterrez-moi sous le carrelage de Pavel Sanaïev (Les Allusifs) est un beau roman tragique, étrange, qui parvient à allier l’humour au drame, le sourire aux larmes.

 

Sacha est un petit garçon de 9 ans, extra-ordinaire : contrairement aux enfants de son âge, il ne sait pas monter aux arbres, faire des tours de manège, jouer tout simplement avec des camarades. Car Sacha est malade : il aurait un staphylocoque doré, de l’asthme, une colite, une pancréatite, une sinusite chronique, et bien d’autres maux encore… Pour éviter qu’il ne pourrisse à l’âge de 16 ans, sa mémé veille sur lui à sa manière : il a donc droit à un régime drastique, doit porter des collants de laine bleue en permanence, dormir avec un bonnet, ingurgiter des médicaments… De surcroît, Sacha est, encore selon sa grand-mère, un véritable débile qui ne réfléchit pas à ce qu’il dit et ne peut rester un instant seul. Sa débilité serait due à ses différents maux qui lui rongeraient le corps et l’esprit. 

 

Heureusement que les grands-parents sont là pour veiller au pauvre petit Sacha, abandonné par sa mère Olia, sa maman, partie vivre à Sotchi avec Tolia, un artiste incompris et alcoolique. En véritable traînée, selon les mots de sa mère, elle ne rend visite à son fils qu’une fois par mois environ mais ces moments sont, pour Sacha, merveilleux car sa mère lui offre des jouets et lui permet de faire tout ce qu’il veut et qui lui est interdit autrement. 

 

Telles les Euménides grecques, Nina, la grand-mère, passe son temps à maudire sa vie monotone, auprès de deux « salauds » que sont Sacha et son mari. Auprès de ces « débiles », Nina est devenue folle. 

 

Personnage extravagant et carnavalesque, Nina, pour conjurer le sort, invective les êtres qui lui sont le plus chers, les étouffant d’un amour incommensurable tout en les privant de liberté. Sacha raconte avec une cruauté candide son enfance sous la forme de compositions scolaires qui se veulent des tranches de vie : le rituel du bain, les anniversaires, l’école… On rit des extravagances de la grand-mère qui asphyxie Sacha de petites intentions qui se voudraient généreuses mais qui se révèlent infantilisantes comme les lavements à la camomille, la vérification des selles, les massages sur le corps, l’interdiction d’aller en classe au moindre éternuement. On rit donc de ces préventions burlesques, des remarques ingénues de ce petit garçon qui hésite entre la gratitude et la colère envers sa grand-mère trop prévenante qui n’hésite pas à le priver de crème glacée sous prétexte qu’il risque de prendre froid…

 

Mais souvent, on rit jaune car la méchanceté manifeste de Nina vociférant à chaque parole invoquée, effraie : Sacha ne peut rien faire de sa vie sous peine de tomber malade et de pourrir prématurément. Il ne peut espérer non plus fêter son anniversaire car lui demande sa grand-mère : « la vie fout le camp, en quoi est-ce bien ? » En effet, le petit garçon est environné par la mort qui se veut certaine, oppressante, écrasante. A chaque instant, Nina est là pour lui rappeler qu’il va mourir.

 

  Ce premier roman du scénariste russe Pavel Sanaïev est à la fois dérangeant et passionnant : le lecteur ne peut s’empêcher de sourire devant la naïveté de l’enfant qui raconte avec une apparence candeur son quotidien auprès de ses grands-parents. La grand-mère, extravagante et burlesque, prête à rire et émeut par son parcours raté : elle rêvait de devenir comédienne et de voyager, elle se retrouve à Moscou avec un mari sans intérêt et un gosse sans cesse malade. Pourtant, au fur et à mesure, on éprouve un écoeurement doublé d’un plaisir cathartique devant le spectacle de cette femme envahissante, vulgaire et tyrannique. Sacha lui-même passe d’un sentiment de gratitude à son égard à celui de haine. Enterrez-moi sous le carrelage est une sorte de tragédie grecque : la mort est lancinante, elle rôde, terrifiante, attendant son tour. Autour d’elle, des personnages s’agitent, certains hurlent, d’autres s’écrasent espérant passer inaperçus. Tous se débattent pour trouver leur place, interagir sur leur destin, en vain.

 

Enterrez-moi sous le carrelage, Pavel Sanaïev, traduit du russe par Bernard Kreise, Les Allusifs

Partager cet article
Repost0

commentaires

A
Il me semblait Cécile en avoir dit un mot en évoquant les vociférations de la grand-mère, le fait que c'est un petit garçon qui s'exprime. Du coup, le registre de langue est assez trivial. Les diaogues sont nombreux. Pas de retour, ou peu de retours, en arrière. Le narrateur raconte son histoire de façon chronologique. Il n'y a pas forcément de recherches poétiques mais une volonté de raconter le réel tel qu'il est de façon prosaïque.
Répondre
A
Et bien toi aujourd'hui, hier Clarabel, vilaine tentatrice C'est malin, je sens que la prochaine fois que je le vois je vais devoir l'acheter et le lire celui là. Et en plus c'est un Allusif, Vraiment bien ! en bas en plus elle insite la miss !
Répondre
C
Le sujet est tentant (j'aime bien la férocité en littérature) mais tu ne dis rien de l'écriture...
Répondre