Il y a trois ans déjà, je découvrais Lise Benincà. À l’époque, elle avait fait paraître dans la collection « Déplacement », dirigée par François Bon, aux éditions du Seuil, un récit très sensible, Balayer, fermer, partir. Les années ont passé, la revoici avec un nouveau récit intime et douloureux sur la perte de l’être aimé.
Lise Bénincà faisait partie des invités des Journées Hervé Bazin aux Rosiers. Aux côtés de Caroline Lunoir et Camille Bordas, elle a évoqué son livre et sa conception de la famille dans son roman. Car, Lise Benincà, en écrivant ce récit sur le deuil, ne s’est pas mise en scène, la narratrice est un personnage fictif. En effet, en lisant ce roman, je me suis demandé si l’auteur racontait sa propre histoire ou bien si elle l’avait inventée de toutes pièces. Je me suis posée la question non par voyeurisme, mais tout simplement parce que l’auteur parvient à partager avec le lecteur les sentiments justement indicibles liés à cette situation.
Les Oiseaux de paradis est un texte court et pourtant poignant. Si vous connaissez un peu la prose de Lise Benincà, vous savez donc qu’elle n’est pas du genre à se répandre en d’incessants bavardages ou digressions. La brièveté et la pudeur sont les caractéristiques de son écriture. L’auteur ne profite pas de son sujet pour réfléchir au deuil, elle nous donne à le lire, directement.
Ainsi, la narratrice est-elle en couple avec Samuel avec qui elle mène une existence harmonieuse. Mais, cet équilibre s’effondre le jour où un camion percute violemment le taxi dans lequel se trouve le jeune homme, qui meurt sur le coup.
La jeune femme se retrouve désormais seule. Elle n’a personne, ni famille ni amis avec qui partager ce drame, et ce d’autant plus qu’elle travaille à domicile pour une maison d’édition scientifique. Ses seuls liens sont ceux de sa belle-famille, essentiellement sa belle-sœur et sa belle-mère, le beau-père est quasi inexistant. Flavie, la belle-sœur, est un personnage qui m’a particulièrement intéressée. Elle représente la vie et l’épanouissement. Sans attaches, Flavie voyage et jouit de l’existence sans se poser de question. Ce portrait solaire s’oppose à celui de la belle-mère, accablée par la mort de son fils. Femme recroquevillée sur elle-même, elle est prise en charge par sa belle-fille qui prend pitié d’elle et de sa souffrance incommensurable.
Quant à l’évocation de sa propre souffrance, la narratrice, traductrice de livres scientifiques, a recours au lexique médical ce qui lui permet de rendre palpable ce qu’elle ressent physiquement et de ne pas se laisser aller à de grands élans lyriques. Son récit demeure extrêmement sobre.
Oiseaux de paradis est un récit touchant et finalement optimiste puisque peu à peu la narratrice apprend à retrouver espoir, et à renouer contact avec le monde extérieur. Lise Benincà, au-delà de cette histoire de perte, souhaite expérimenter la langue. Elle utilise donc un vocabulaire médical pour évoquer la douleur, l’absence du corps, mais elle cherche également une prose poétique propre à exprimer cette indicible souffrance.