Tous les ans, le même marronnier dans la presse littéraire : trop de romans déferlent dans les librairies, l’édition étouffe, agonise par tant de production. Pourtant, Le Figaro littéraire d’hier nous apprend que les premiers romans seront moins nombreux que ces précédentes années. En effet, en septembre dernier les éditeurs avaient donné leur chance à 97 nouveaux auteurs. Cette année, le journal estime qu’il devrait à peine y en avoir une cinquantaine. D'après le supplément, plusieurs maisons comme Fayard, Buchet Chastel, Le Cherche Midi, Minuit, Plon et Verticales (a priori, néanmoins, Claire Fercak ferait exception) n'en publieront pas. L’éditrice Elizabeth Samama affirme qu’elle n’en a « pas trouvé de publiable à la rentrée ». C’est un jugement sévère, pourtant, les éditeurs vivent une crise certaine : de trop nombreux romans sont publiés, et combien sont lus ? Anne Carrière m’expliquait que lorsque Paolo Coelho, son auteur-locomotive, est parti chez Flammarion, elle pensait remonter la pente en publiant plus de livres pour tenter de rentrer dans ses frais. Et d’admettre finalement que c’était une erreur parce qu’elle n’a pas pu défendre les livres, trop nombreux… Héloïse d’Ormesson remarquait elle aussi qu’il y a un « engorgement complet » de la production éditoriale. Et pour elle, « tant que personne ne baissera la garde, ça va continuer ». En effet, plus un éditeur diversifie sa production, plus il a de chance qu’on achète ses livres. Logique ! Mais en ce qui concerne l’auteur, plus la concurrence est forte, moins il peut se démarquer… Et les éditeurs se transforment ainsi plus en trésoriers (pour reprendre la formule d’Héloïse d’Ormesson) que de « passeurs ». On en revient toujours au même problème : de nombreux auteurs pour des lecteurs de moins en moins au rendez-vous…
Elisabeth Samama ajoute : « je ne recherche pas la nouveauté pour la nouveauté, mais des auteurs qui publieront aussi un deuxième, puis un troisième roman... ». Ces propos traduisent en effet la crainte des éditeurs qui acceptent de prendre des risques en publiant un premier roman à condition que d’autres suivent. Anne Carrière m’a confié que le contrat qu’elle faisait signer à ces nouveaux auteurs spécifiait clairement que la publication du roman devait être suivie de deux autres textes. Joëlle Losfeld est également très attachée à la « politique d’auteurs ». Elle défend un catalogue et des auteurs qu’elle aime suivre le plus longtemps possible. Ainsi elle a racheté les droits d’Albert Cossery et publie désormais son œuvre complète. Elle a également publié Michel Quint pendant une quinzaine d’années avant de connaître le succès d’Effroyables jardins.
Par conséquent, espérons que le souhait des éditeurs de publier en septembre prochain moins de premiers romans (et pourquoi pas moins de romans tout court, voire plus de mauvais romans ?...) s’accompagne d’une production de réelle qualité.