Ma chronique ciné du prochain numéro du Magazine des Livres concernera l’adaptation par Antonello Grimaldi du best-seller italien : Chaos Calme.
Il ne s’agira pas ici, vous vous en doutez bien, de vous révéler le contenu de cet article, puisque je suis persuadée que vous irez le lire par vous-même, mais de revenir sur la polémique qui a irrité autant les évêques italiens que certains journalistes français…
Dans le dernier tiers du film, Pietro (incarné parfaitement par Nanni Moretti) se retrouve dans sa villa avec sa petite fille, dormant et la jeune femme qu’il a sauvée des eaux, au moment où sa femme mourrait. Evidemment, une extraordinaire pulsion de vie les attire l’un à l’autre. On voit alors un gros plan sur une scène de sexe assez osée, mais on en a vu d’autres, et des crues dans certains films de Blier ou de Catherine Breillat…
En Italie (comme en France), Nanni Moretti est adulé, pour les Chrétiens, il ne peut donc s’abaisser à jouer une telle scène : l'hebdomadaire italien Famiglia Cristiana a violemment attaqué le film et sur le site des prochaines JMJ de Sydney, don Nicolo Anselmi, responsable des jeunes de la Conférence épiscopale italienne, déclare de son côté : « d'un artiste idéaliste comme Moretti et d'une comédienne sensible et délicate comme Ferrari je me serais attendu à des scènes romantiques, un moment d'amour ouvert à la vie et à la procréation d'un enfant ». On pourrait évidemment se moquer de ces puritains, mais ils ne furent pas les seuls. En France aussi, certains journalistes ont décrié cette scène. La critique de Télérama (qui d’autre part a beaucoup aimé le livre…) m’a particulièrement interpellée : « Dommage surtout que l'on soit brutalement tiré d'un agréable attendrissement par une scène de sexe crue, censée signifier la renaissance de Pietro sur le thème « baisons, nous sommes vivants ». Ratée, presque gênante, elle brise net la poésie qui flottait sur le film. Si Nanni Moretti avait lui-même réalisé cette adaptation d'un roman très lu en Italie, il lui aurait probablement donné plus de finesse et de légèreté, et donc de profondeur et de sens ».
Si vous, comme ces différents journalistes, n’avez pas lu Chaos Calme, évidemment, vous ne pouvez pas comprendre pourquoi cette scène est centrale dans le film et ne pouvait surtout pas être romantique. Pour les autres, vous vous serez peut-être, comme moi, demandé comment Grimaldi allait réussir à mettre en scène une telle scène. Car si cette scène a pu paraître choquante à l’écran, ce n’est rien à côté de la description faite dans le roman. L’auteur prend en effet un certain plaisir à s’appesantir sur différentes pratiques sexuelles (fellation, caresses anales, sodomie…) sur un chapitre de 19 pages ! La scène de plus ne se passe pas dans le salon, mais dans le jardin. Les protagonistes sont en effet à quatre pattes sur la pelouse de la villa… On découvre un passage d’une grande trivialité : la femme avoue avant d’aller plus loin qu’elle est indisposée… Qu’à cela ne tienne, et après avoir fait mentalement la liste des femmes qui lui ont « fait le coup », il décide de passer par derrière…
On est loin de la scène romantique ou dans l’atmosphère attendrissante espérée par certains… En lisant les différentes critiques faites sur le roman de Sandro Veronesi, je ne trouve aucune allusion à cette scène (qui fait je vous le rappelle 19 pages…). On évoque un livre « drôle », « émouvant », parfois « ennuyeux » mais rien sur cette scène qui clôt la deuxième partie, alors qu’elle semble centrale et impudique en images… La sacralisation des mots, sans doute…