Dernièrement, je suis tombée par hasard sur un extrait d'une lettre de Calamity Jane à sa fille. Je me souvenais avoir ce recueil dans ma bibliothèque mais ne gardais qu’un souvenir très flou d’une lecture faite au collège. L’occasion me parut donc excellente pour rafraîchir ma mémoire.
Calamity Jane est une figure légendaire du Far West et de la conquête de l’Ouest des Etats-Unis, véritable héroïne qui symbolise la femme émancipée, capable de se battre contre les Indiens et de faire des travaux d’homme.
J’ai lu, je dois l’avouer, un texte émouvant : celui d’une mère écrivant à sa fille, qu’elle a abandonnée petite à deux voyageurs de l’Est. Ces lettres, étalées sur une période de 25 ans, n’auraient pas été envoyées. La fille les aurait reçues en héritage après la mort de sa mère.
Certains spécialistes et historiens remettent en cause la véracité de cette histoire puisque selon eux, Calamity Jane était analphabète… Dans plusieurs de ses lettres, celle-ci déclare n’être allée à l’école que pendant trois ans mais a eu, par la suite, l’occasion de rencontrer un homme qui l’a aidée à apprendre à lire et à écrire... Une note préliminaire de la traductrice, Marie Sully, précise qu’elle a tenté au maximum de respecter le texte malgré ses maladresses, mais a dû effectuer quelques rectificatifs pour le rendre parfois moins obscur.
J’ai passé un agréable moment de lecture au milieu des cow-boys et des Indiens, de Buffalo Bill ou de Wild Bill Hickok, mais en refermant le livre je me suis posée plusieurs questions concernant l’intérêt de faire lire ce texte à mes élèves de 4ème.
D’abord, ces lettres prêtent à caution et je sais que les adolescents (comme bon nombre d’adultes d’ailleurs…. Voyez la polémique autour de Survivre avec les Loups) ne supportent pas de savoir que ce qu'ils lisent et qui passe pour vrai est faux. Or, s’il est indéniable que Calamity Jane ait connu de nombreuses aventures au cours de son existence, des éléments prêtent à caution, ne serait-ce que la signature du livre. Qui a écrit ces lettres ? J’en profite au passage pour vous indiquer que L’Herbe bleue, livre culte que la plupart des ados dévorent avec délectation, n’est pas le journal intime d’une jeune fille droguée, mais un texte fabriqué par un éditeur aux Etats-Unis (merci à Michel Di Folco et à son ouvrage Les Grandes impostures littéraires). Vous êtes déçus… Je vous comprends. Je crois qu’ado, j’aurais été déçue de l’apprendre…
Ensuite, ces lettres, si émouvantes soient-elles, ne sont pas écrites dans un style très élaboré. D’un point de vue littéraire, ces lettres ne peuvent donc pas apporter un grand intérêt aux élèves.
En revanche, elles fonctionnent parfaitement au niveau de l’imagination : grâce à ces lettres, on a l’impression de faire un voyage dans le temps, partir à la conquête de l’Ouest américain… En cela, le livre est une réussite.
Finalement, ma question s’apparente à un sujet de dissertation (auquel je ne suis jamais parvenue à trouver une réponse satisfaisante) : qu’est-ce qu’un bon livre ?