Si Je pense souvent à Louis-Ferdinand Céline est un recueil farfelu et fantasque, Le Grand Blondino de Sture Dalhström dépasse toutes les espérances. Ce roman complètement délirant a été publié en 1987 en Suède soit sept ans avant Je pense souvent… et pourtant l’auteur est allé bien plus loin dans son délire… On retrouve ses thèmes de prédilection : l’écriture, la création, et le sexe, surtout. L’ensemble est mené par une écriture extravagante.
Eric von Fitzenstrahl, dit « Le Grand Blondino », est à la fois danseur et cinéaste. Mais danseur et cinéaste hors du commun. Son plaisir est de bousculer les conventions, faire frémir les petits bourgeois qui s’endorment devant des spectacles soporifiques et routiniers. Le Grand Blondino, lui, propose de l’exceptionnel. Il ne craint pas les critiques, va même au-devant d’elles en explorant des pistes artistiques toujours plus novatrices.
Le Grand Blondino est un artiste plein d’énergie qui aime par-dessus s’amuser et rire. Ainsi s’ouvre le roman : « Seul dans ma chambre, j’éclate d’un grand rire qui rebondit entre les murs, résonne par-dessus les toits, puis descend, fluet et cristallin, couvrir mes rires précédents ».
Il fait tout avec excès : la danse, l’amour… « (…) moi, je danse au lieu d’attendre. Un homme qui danse ne se morfond pas dans des méditations sur la mort ou sur l’inspiration, il danse jusqu’à ce que le public en délire se lève et applaudisse, il danse jusqu’à ce que les lustres en cristal se mettent à osciller et que les petits hommes dans l’orchestre tombent évanouis de leurs chaises, il danse jusqu’à ce que le directeur du théâtre arrive au pas de course et hurle qu’il faut arrêter ce fou de Suédois avant qu’il bousille tout le bâtiment ». Et en effet, il semblerait que rien ne peut arrêter celui qui se dit l’héritier de « Villon, Rabelais, Céline, Eisenstein, Nijinski » ! Comment être autrement qu’un fou débordant d’énergie et d’imagination, un fou qui a l’idée saugrenue de tourner un film à Cannes, grâce aux subventions obtenues après s’être fait passer aux quatre coins du monde pour l’un des membres de l’Académie suédoise, un film donc sans pellicule ni caméra !
Sur le tournage, il se révélera être un véritable tyran, obligeant ses comédiens qui seront venus par milliers, jouer nus, sans se reposer, ni boire ni manger…
Mais ce n’est pas tout, notre Grand Blondino qui ne manque pas de développer de multiples théories, estime que « ce sera un film relativement long : trente minutes » ! Au-delà de ce laps de temps, « il vaut mieux s’abstenir de faire du cinéma ».
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, Le Grand Blondino obtient ce qu’il veut de ses comédiens qui se plient à toutes ses exigences. Il découvre ainsi le pouvoir d’être metteur en scène et cette idée le fait rire : « Fitzenstrahl est secoué d’un rire réprimé. Incroyable, elle est incroyable, cette combinaison cinéma et pouvoir. Tout le monde coopère et accepte n’importe quoi sans broncher. Tous les problèmes du monde pourraient se résoudre sans difficulté si on considérait l’existence comme un gigantesque tournage ».
Il ne croit pas si bien dire ce Grand Blondino : ce roman sera tout entier une métaphore cinématographique. Mais je ne vous en dis pas plus car le dernier quart du livre réserve bien des surprises encore. Attachez vos ceintures, le voyage connaîtra moult embuches et rebondissements !