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Anne-Sophie Demonchy
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15 octobre 2009 4 15 /10 /octobre /2009 19:57

C’est au printemps dernier, lors de la rencontre réunissant les éditeurs présentant leur rentrée nordique que j’ai entendu parler, pour la première fois, de Musique d’un puits bleu. Ce roman de Torborg Nedreaas a été publié la première fois en 1960 mais traduit en français en 1982 pour les éditions Pandora. La petite maison, Cambourakis, a décidé de le rééditer et c’est une excellente idée.

 

Torborg Nedreaas est norvégienne. Elle est née au début du siècle dernier, en 1906, à Bergen, ville où se déroule justement Musique d’un puits bleu. On la dit féministe et communiste. Dans ses pièces, nouvelles et romans, elle aborde les conflits de classe ou la condition féminine. On retrouve également souvent pour fond de toile la Guerre mondiale et ses conséquences sur le peuple norvégien, dans sa vie quotidienne.

 

En France, on connaît peu Torborg Nedreaas. Son traducteur, Régis Boyer, grand spécialiste de la littérature nordique, la compare à la Colette du Blé en herbe pour la précision, la puissance évocatrice et sensuelle de son écriture. Le personnage de Herdis , la petite héroïne de 10 ans, apparaît dans trois autres livres de Nedreaas, dont deux recueils de nouvelles. Les éditions Cambourakis annoncent déjà qu’elles poursuivront leur découverte en France de son œuvre.  

 

Musique d’un puits bleu évoque avec une sensibilité extrême le destin de l’enfant Herdis, dont la vie va être bouleversée par le divorce de ses parents. Dès les premières lignes, l'émotion nous envahit. Ce n’est pas un hasard, selon le traducteur Régis Boyer, si l’on a l’impression de lire un véritable témoignage puisque ce roman est en partie autobiographique : il retrace l’enfance de Torborg Nedreaas.

 

A ce drame familial, qu’est le divorce, se greffe, en filigrane, celui des origines : Herdis est juive, originaire d’Allemagne. Sa famille est arrivée à Bergen depuis des décennies mais elle est encore très attachée à ses racines. Quand la guerre éclate, les amis s’éloignent de Herdis qui demeure seule, abasourdie par la situation : conflits mondiaux entachant son quotidien, divorce des parents... Le lecteur comprend les raisons de cette séparation, plus par les sous-entendus que par les dialogues entendus par Herdis. Le narrateur décrit ses attitudes, son degré de compréhension, mais ne décrypte pas, n’analyse pas. Il demeure du côté de Herdis. Une scène est particulièrement dramatique : son père promet dans un premier temps de faire un voyage en tête à tête avec elle à Copenhague. Cette joie infinie s’effondre quand elle apprend que la nouvelle compagne sera de la partie : « Tout se mit à bourdonner et à tanguer autour d’elle. Soudain, elle se jeta sur le côté, le bras sur le visage. Anna la toucha prudemment, mais retira aussitôt sa main.

Herdis s’était nouée, elle était de pierre ».

 

Les scènes sont souvent très émouvantes : en quelques mots, simples, le narrateur croque une scène de la vie quotidienne. Ainsi cette soirée où Herdis est dans la rue avec sa mère : « - Je brûle de voir la maison de Trandgaten, dit Herdis qui voulut saisir la main de sa mère sous la fourrure. Mais la main était introuvable, au lieu de cela, elle rencontra une bouteille de whisky ».

 

Dans le chapitre suivant, intitulé ironiquement et paternellement « Tout ce qui se mange est bon », n’en est pas moins terrible. Cette fois, Herdis entre en pleine révolte contre son père qui ne peut supporter que sa fille prononce le nom du compagnon de sa mère. Cette scène très réaliste est décrite avec force détails et dialogues et montre l’incompréhension d’un père à l’égard d’une enfant qui subit les amours de ses parents.

 

Le roman traduit la solitude de Herdis qui se réfugie dans un monde imaginaire, près d’un « puits bleu », d’où émane une musique magique. Sans ami véritable, ballottée d’un parent à l’autre, elle évolue avec sa propre logique, réalisant que le monde des adultes est celui du mensonge et de l’appât du gain (grande préoccupation de son père). Son monde à elle est fait de musique et de rêveries. Herdis n’est jamais si bien finalement que seule, habitée toute entière par la musique que l’on retrouve dans la structure même du roman.

 

Musique d’un puits bleu est le premier roman d’une série autour du personnage de Herdis. J’attends la suite avec impatience : la voix fragile et délicate de Herdis me manque…

 

 

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