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Lalettrine.com

Anne-Sophie Demonchy
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15 juillet 2008 2 15 /07 /juillet /2008 15:59

Dernièrement, j’évoquais le premier roman d’un jeune garçon de 4ème, Boris Bergmann. Je lui reprochai son arrogance et surtout son manque de maîtrise du point de vue stylistique, défaut qui peut évidemment se comprendre compte tenu de son âge. Mais voilà que depuis quelques semaines un autre roman, écrit par un garçon plus expérimenté et ayant le double de l’âge du jeune Boris, crée la polémique : il s’agit de Je reviens de mourir d’Antoine Dole. J’avais lu ce livre au moment de sa parution et avais été emballée non seulement par l’histoire –celle de deux jeunes filles vivant des expériences amoureuses et surtout sexuelles assez désastreuses, mais aussi par son mode de narration. Malgré tout, j’avais été un peu surprise que ce roman soit classé dans le rayon jeunesse, rayon réservé pour moi aux enfants de primaire et de 6ème-4ème… Après quatorze ans, je crois que les adolescents s’intéressent à davantage de sujets et surtout apprécient les journaux intimes de jeunes gens de leur âge, abordant des thématiques qui les fascinent et leur font peur à la fois comme la drogue, l’amour et son corollaire le sexe… Nombreux sont les adolescents qui ont lu avec une véritable passion des journaux (d’ailleurs crées de toutes pièces par les éditeurs) comme L’Herbe bleue ou Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée...

Boris Bergmann dans Viens là que je te tue ma belle aborde aussi ces thématiques : il raconte ses premiers émois, la découverte de l’alcool, de la drogue... Bref, c’est à partir de 14-15 ans environ que les adolescents se posent des questions et essaient de trouver des réponses non pas à l’école auprès de leurs professeurs mais dans les films et les livres. Internet joue également un rôle décisif, en particulier les blogs. Mais l’intérêt d’un livre est qu’on peut le consulter discrètement, à l’abri du regard parental. Je me souviens qu’adolescente, je n’aurais pas voulu que mes parents sachent que je lisais L’Amant ou Le Grand cahier… Ce sont des lectures qui ne sont pas adressées aux « jeunes » lecteurs mais à tous ceux qui ont la maturité pour les lire. Mais comment définit-on un livre destiné à « la jeunesse » ? La plupart du temps, ces livres sont racontés par un narrateur qui à l’âge de la cible visée et qui s’exprime dans une langue susceptible de plaire à celle-ci. Or, des livres comme Je reviens de mourir, si violents soient-ils, sont racontés par de « jeunes » narrateurs. Encore faut-il savoir de quelle tranche d’âge il s’agit. La collection Exprim’ s’adresse aux jeunes de 15 à 25 ans. Evidemment, on s’interroge sur la pertinence d’une telle tranche puisqu’à 25 ans, on n’est plus un adolescent et si l’on se pose encore des questions sur l’amitié, la sexualité, etc. on a une maturité telle que l’on ne considère plus le monde ni la littérature du même œil.

Face aux critiques d’une libraire qui refuse de vendre un livre comme Je reviens de mourir sous prétexte que le livre est un «ramassis de clichés misogynes», et Antoine Dole « est celui qui regarde et qui donne à voir. Une femme fantasme. Victime et salope à la fois», l’équipe de Sarbacane se justifie de ses choix éditoriaux sur le site de Bibliobs en donnant un autre sens à ce terme : « Peut-on se satisfaire du fait que les jeunes, passé l'âge du « roman ado » traditionnel, peinent à trouver des romans qui les excitent ou les remuent autant qu'un film, une série TV ou un CD? C'est la question que nous nous sommes posée lorsque nous avons lancé la collection EXPRIM', en novembre 2006. Dès les premiers romans, il était clair que nous avions affaire à une nouvelle génération d'auteurs : nés avec la culture multimédia, ils voulaient nourrir la littérature d'autres modes d'expression artistique, en l'inscrivant dans son époque. Et à notre idée, ces romans, étant animés d'une « jeunesse » littéraire, toucheraient en priorité les jeunes, lecteurs de demain, lecteurs désireux d'être déroutés.

C'est alors que nous avons réfléchi à l'acception du mot « jeunesse ». Pourquoi, lorsqu'il est accolé au mot « livre », dans l'expression « livre jeunesse », ce mot renvoie-t-il uniquement à l'âge du lectorat, alors que partout ailleurs il est synonyme de renouveau, d'énergie, de désir, de curiosité ?

Peut-être, avons-nous alors songé, faut-il prendre le problème par l'autre bout : au lieu de proposer des romans « pour jeunes », censés les séduire par le choix des thématiques abordées, osons ces romans dont la modernité et l'inventivité entrera en résonance avec la jeunesse, des romans rapides, pleins d'audace, détonants, subversifs.

Nous savons que cette nouvelle acception du mot « jeunesse », ne se référant plus spécifiquement à l'âge du lectorat mais plutôt à un état d'esprit, vient chahuter les frontières actuelles de ce secteur: un adulte curieux de nouvelles formes littéraires sera tout aussi intéressé de découvrir les romans EXPRIM' qu'un grand adolescent ou un jeune adulte. La loi 1949, au vu de cette acception du mot, devient du même coup hors cadre ».



Si l’on considère ainsi la littérature « jeunesse » dans ces conditions, il n’y a plus de problème et le bec est fermé à toutes les critiques. Pourtant nombre de personnes comme moi, qui n’ont plus 20 ans, hélas, ont aimé ces livres et n’ont pas eu l’idée de les trouver en rayon jeunesse, persuadés qu’ils s’adressaient à tous. Passons le problème du contenu de ces livres qui ne sont guère plus choquants que de nombreux films interdits (« seulement ») aux moins de douze ans (je pense aux films de Tarentino notamment, mais il y en a bien d’autres…) et qui pourtant passionnent les adolescents car ils ont une visée cathartique ; le vrai problème, en lisant la réponse de l’équipe de Sarbacane à la libraire me paraît davantage commercial… En réalité, les libraires ne savent où ranger ces livres qui s’adressent à une tranche d’âge nouvelle, pas encore cataloguée… « Le réseau jeunesse ne devrait-il pas être justement, plus que tout autre, le territoire des nouvelles générations ? Est-ce que ce n'est pas justement là que les choses devraient bouger ? Passé quinze ans, un lecteur n'a certes pas besoin d'être «tenu par la main», et il n'est pas question de «garder un œil» sur la jeunesse. En revanche, ne peut-on pas ouvrir un territoire, une zone libre où les jeunes pourront trouver tout un panorama de propositions romanesques excitantes ?

Si on pense le contraire, il faut accepter de reconnaître que les grands ados « ne vont pas en jeunesse », et se dire qu'ils iront se « débrouiller en adulte » tout en sachant que ce n'est pas le cas. Et qu'entre le dernier Nothomb et le prochain Angot, ils pourront bien avoir le sentiment que la littérature est un lieu rigide, sans lien avec le bouillonnement culturel de notre époque. De leur époque ».

Ce dernier argument me paraît très convainquant : les enseignants comme les parents se plaignent du fait que les adolescents préfèrent surfer sur Internet, jouer sur les consoles ou regarder la télévision. La plupart n’aiment pas lire, c’est vrai. Mais nombreux sont ceux qui ne se retrouvent pas dans la littérature qu’on leur propose, souvent d’ailleurs parce qu’ « il ne s’y passe rien » et qu’ils s’ennuient. Or, ces romans proposés par ces éditeurs essaient d’amener les jeunes et moins jeunes à la lecture en leur proposant des textes courts, acérés, violents et littéraires, qui certes ne les font pas rêver mais évoquent leur quotidien, font référence à leur culture, répondent à leurs interrogations.

Si les libraires ne jouent pas le jeu et ne mettent pas en rayon ce type de livres ni ne les recommandent auprès des clients (que je crois nombreux) souhaitant trouver des textes pouvant plaire un jeune réfractaire à la lecture, il sera facile de dire ensuite que cette littérature n’intéresse personne.

Pour poursuivre le débat, retrouvez les billets de
Blandine Longre : là
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commentaires

T
À Anne-Sophie : MERCI de nous avoir vraiment lus, merci de vos commentaires, de vos arguments et contre-arguments. On a parfois l'impression d'être enfermés dans un dialogue de sourds, c'est un énorme soulagement d'être entendus.À Josée : Oui, il ne vous serait pas venu à l'idée d'aller en jeunesse lorsque vous étiez jeune. En l'état, c'est assez compréhensible. Et c'est bien pour cette raison que nous plaidons pour une rénovation de ce secteur. Si vous nous relisez, vous verrez que nous évoquons, non pas des "thèmes", mais des formes qui, par leur caractère innovant, intéresseront tous les lecteurs qui recherchent du nouveau. Ce nouveau-là, nous voulons l'offrir à la jeunesse parce que nous pensons que la jeunesse EST un désir de nouveauté, une curiosité. Cette jeunesse, nous la définissons comme un état d'esprit, et non selon les seules limites des tranches d'âge. Reste que nous pensons que lire Je reviens de mourir à 15 ans est une expérience formidable - comme de lire Moins que zéro à cet âge. Oui, nous aurions pu lancer la collection dans le secteur adulte, sans doute, mais cela n'aurait pas eu la même signification à nos yeux, cela n'aurait pas dit aussi clairement notre désir d'entrer en résonance avec la jeunesse de notre époque. Avec son énergie, sa vivacité, sa diversité.Voilà, je pense que c'est clair... non ?Tibo Bérard, responsable de la collection EXPRIM'
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J
Débat de fond et argumentation fort étayée, merci Anne-Sophie !...Juste deux remarques de ma part. Lorsque je n'étais encore qu'une jeune fille, qui lisait certes déjà beaucoup, jamais il ne me serait venu à l'idée d'aller regarder le rayon "ado", ou "pour les grands" rayon jeunesse, ou encore "pour jeunes adultes", et dieu merci, je ne connais pas de libraires qui aient conçu des espaces comme ceux-ci. Mais enfin, que le rayon existe physiquement ou pas, jamais je n'aurais supposé que puissent être édités des romans dans cette catégorie, et je comprends mal les éditeurs qui l'encouragent, sinon pour des considérations totalement commerciales. Les thèmes qui "intéresseraient" particulièrement les jeunes ne sont-ils pas ceux qui intéressent directement la littérature, en général ? Le rapport au corps, à l'altérité, à l'identité, à l'indépendance, à la transgression... tout cela n'est-il pas abondamment abordé par l'ensemble de la littérature ? Qu'elle soit ensuite difficile d'accès, qu'elle nécessite, pour être appréhendée, une distance, c'est un autre problème, que l'âge seul ne résoud pas. Et puis, c'est aussi ainsi que l'on grandit en lecteur, lorsque l'on s'escrime un peu à des lectures ardues, lorsque l'on cherche le sens, lorsque l'on tente de démêler l'écheveau de ce que l'on ne ressent d'abord que confusément...En ce qui concerne ma pomme, je me souviens de l'impact prescripteur que pouvait avoir sur moi, non pas tant les conseils de mes camarades (un peu, tout de même), que ceux de mes professeurs de français qui, en marge du programme et de l'environnement "formel" des cours, nous indiquaient tel ou tel titre.Deuxième remarque, plus brièvement : j'ai entendu hier dans une librairie une jeune fille, dans une librairie, qui signalait qu'elle avait lu tous les livres écrits par XXXX. Elle était "fan", comme on dit. L'auteur dont elle parlait, c'est un écrivain qui ressort du divertissement plus que d'une quelconque préoccupation esthétique. Ses romans, des bluettes, que l'éditeur destine avant tout (et avec succès) à un lectorat adulte essentiellement féminin. Je ne suis pas absolument opposée à ce système (mieux vaut encore qu'on ne lise que de mauvais romans plutôt que de ne pas lire du tout, au moins, l'espoir de transmettre un jour autre chose subsiste). Simplement, il montre - et les chiffres de vente prouvent que ce n'est pas un épiphénomène - que les "jeunes" peuvent lire la même chose que les "aînés", qu'elle qu'en soit la qualité...
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D
Avec des trucs comme la tétralogie de Scott Westerfeld, j'ai l'impression qu'on est un peu là-dedans: pour grands enfants ou pour jeunes adultes? J'en avais parlé chez moi, faisant part de mon scepticisme. Ici, si vous permettez cette pub: http://fattorius.over-blog.com/article-21192660.htmlJ'ajoute que "Pretties", l'ouvrage commenté, n'est pas un bouquin bref... et il y en a trois autres comme ça, entre science-fiction et construction (?) de soi .
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T
Article qui ne peut qu'intéresser l'ancien doc que je suis.J'avoue m'être souvent posé ces questions, sans jamais leur trouver de véritable réponse. Fondamentalement je trouve le concept de "littérature jeunesse" absurde, encore plus le fait qu'il ait ses collections et ses éditeurs spé. Imaginerait-on une "musique jeunesse" ? Il y a bien entendu des disques pour enfants. Il y a aussi, cela va sans dire, des musiques s'adressant sans doute plus à un public ado... pour autant même Lorie, personne n'aurait idée de dire qu'elle fait de la "musique jeunesse", si j'écrivais un truc comme ça tout le monde serait plié en quatre (et encore plus si cela paraissait chez un éditeur spécialisé !).Le fait est que les livres nous forment, et beaucoup même lorsqu'on les aime. Que serais-je devenu si, à 12 ans, je m'étais gavé des inepties qu'on me refourguait comme étant "des livres de mon âge"... ? Aucune ligne éditoriale géniale ne remplacera jamais - heureusement - un aiguillage intelligent fait par quelqu'un qui maîtrise un tant soit peu son sujet. Je me souviens que du temps où j'étais doc, le livre (enfin : les) qui était le plus souvent absent et plaisait le plus, c'était "Les royaumes du nord" de Pullman. Un monument de noirceur ! Les trus estampillés Ecole des Loisirs tout les gamins s'en foutaient complètement... à raison ? Le vrai gros problème de la littérature jeunesse, c'est que son côté financièrement florissant est inversement proportionnel à sa qualité...Inutile, donc, de préciser de quel côté je me situe dans ce débat ^^
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