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S’il est une très bonne nouvelle en cette rentrée littéraire, c’est l’émergence de romans français qui sont moins autocentrés. J’avoue avoir eu une certaine lassitude à l’égard de ces autofictions, plus ou moins masquées, dans lesquelles l’auteur se déversait prodigieusement.
Dans la sélection « Talents à découvrir Cultura », un roman m’a particulièrement enthousiasmée par son panache et son érudition : La Confrérie des chasseurs de livres de Raphaël Jerusalmy. Ce normalien a voulu nous raconter l’histoire du livre et a pris pour prétexte la disparition du poète François Villon après avoir été condamné à l’exil. Puisque l’on ne sait rien de sa vie après sa libération de prison, Jesusalmy s’est donc emparé de son destin, et quel destin !
L’histoire commence en prison, dans la geôle de Villon condamné à être pendu. Un émissaire du roi Louis XI vient lui rendre visite pour lui proposer un marché : sa libération contre un service. Le poète doit convaincre un imprimeur allemand de s’installer à Paris pour combattre la censure papale. Villon accepte aussitôt et se retrouve en route pour une foultitude d’aventures à Jérusalem, accompagné de son ami maître Colin. On découvre alors la Jérusalem d’en bas de l’époque médiévale, ses mœurs et coutumes. Mais surtout, l’auteur multiplie les rebondissements car il n’est plus seulement question d’installer une nouvelle imprimerie aux idées progressistes à Paris mais d’entrer en contact avec la fameuse confrérie des chasseurs de livres qui s’est donnée pour mission de récupérer tous les manuscrits possibles afin de les divulguer au plus grand nombre. Evidemment, Villon est un libre-penseur qui ne peut se laisser guider au doigt et à l’œil. Car si on a fait appel à lui c’est que les uns et les autres ont des intérêts dans cette affaire : si Louis XI veut contrer la censure du pape, c’est pour mieux asseoir son autorité et si la confrérie chasse ainsi les livres, c’est pour assurer la survie du peuple juif.
Villon ne se laissera donc pas manipuler et même s’il est mené en Terre Sainte, il cherchera à échapper aux différentes injonctions en déjouant les pièges et prendra ses propres initiatives.
Jerusalmy a été fort inspiré de choisir le poète François Villon qui est à la fois un auteur inventif et audacieux mais aussi un voleur, un gredin, un rebelle. Les trente premières années de son existence nous sont bien connues puisque Villon les a racontées au cours de ses textes, et qu’il reste des témoignages de cette époque, mais la suite reste un mystère. Villon est donc le personnage romanesque idéal pour un auteur aussi érudit et inventif que Jerusalmy. La Confrérie des chasseurs de livres est un roman érudit, historique et même policier à l’écriture foisonnante et souvent burlesque. Bref, un roman inventif et stimulant.