Parfois, on se laisse embarquer dans une histoire, charmante, émouvante sans se poser plus de questions… C’est ce qui peut arriver en lisant Le garçon au pyjama rayé de John Boyne.
Deux options possibles : soit on se laisse prendre par la candeur du personnage (qui croit habiter Hoche-Vite, rencontre un certain « Fourreur » et envie Schmuel qui est entouré d’amis…), par l’écriture fluide et par la belle amitié qui lie un enfant juif à un enfant allemand (thème récurrent dans la littérature. On peut citer par exemple : Mon ami Frédéric ou l’Ami retrouvé voire Inconnu à cette adresse). Soit on demeure sceptique par cette jolie fable… On se souviendra de la polémique soulevée par le film de Roberto Benigni, La Vie est belle. Certains ont été profondément choqués par ce film sentimental, clownesque et trop éloigné des faits historiques. Bruno a la même « innocence » que le petit garçon présent dans La vie est belle : il emménage avec sa famille à Auschwitz, s’ennuie parce qu’il n’a plus d’amis avec qui jouer, passe ses journées à lire des romans d’aventure. Son père, officier SS, ne lui parle jamais de sa mission, ne lui dit pas qui sont ces gens qui se trouvent de l’autre côté du grillage… On le laisse dans une totale ignorance… Et quand, lors d’une excursion, il rencontre, Schmuel, maigre, en « pyjama rayé », et enfermé derrière le grillage, il ne semble pas se poser plus de questions. D’ailleurs, hormis son désir irrépressible de se faire un nouvel ami, rien ne semble l’étonner : la pâleur de Schmel, sa tristesse, le fait qu’il ne puisse pas passer de l’autre côté de la barrière jouer avec lui… Il s’accommode à toutes les situations !
Ce roman, vendu à plusieurs millions d’exemplaires et adapté au cinéma, pose problème : en elle-même, l’histoire est plaisante, émouvante. On rit de ce petit garçon qui semble ne vraiment rien comprendre et se complaire dans un monde imaginaire. On se doute de la fin assez rapidement car prévisible… De jeunes lecteurs, puisque c’est à eux que ce roman s’adresse, se reconnaîtront dans le récit de cette amitié. Et pourtant, l’Histoire est occultée. Impossible pour un enfant nazi d’ignorer ce qu’est un juif, qui est le Führer ou ce qui se passe dans les camps de concentration… La famille de Bruno reste muette à ce sujet. On n’attend rien de lui, on le laisse jouer près du camp, lire des romans d’aventures… Bref, Bruno est un enfant qui a les mêmes préoccupations que les autres et n’a pas idée que son père est un bourreau… Si je devais faire lire ce roman à mes élèves, ce serait dans une perspective uniquement distractive. Le roman se lit d’une traite, il n’y a aucune difficulté dans la compréhension du texte ou le vocabulaire et le rythme est enlevé. Grâce à lui, ils découvriront, parcellement, un pan de l’Histoire avant de l’étudier plus profondément en classe de 3ème. Le garçon au pyjama rayé peut se lire dès 8 ou 9 ans. A vous de voir…