Je suis Marie Darrieussecq depuis des années avec un certain intérêt. J’avais lu avec amusement Truismes, roman que je trouvais audacieux ; je n’ai pas retrouvé ce grain de folie dans Naissance des fantômes, et étais restée de marbre à la lecture du Bébé. Enfin, après la polémique entre Camille Laurens et Marie Darrieussecq, j’avais lu Tom est mort, beau roman, réaliste, dans lequel Camille Laurens y avait reconnu la trame de son texte autobiographique Philippe.
En découvrant les critiques souvent élogieuses du nouveau roman de Marie Darrieusdarrisecq Il faut beaucoup aimer les hommes (POL), j’avais très envie de le lire. Le titre, comme vous le savez sûrement, est inspiré de Marguerite Duras qui ajoute : « Il faut beaucoup aimer les hommes. Beaucoup, beaucoup. Beaucoup les aimer pour les aimer. Sans cela ce n'est pas possible, on ne peut pas les supporter. » C’est exactement ce que raconte ce roman sentimental. Plus exactement : l'héroïne, quoi que lui inflige son amant, a très envie de le supporter car elle l'aime passionnément.
Solange, la trentaine, vit à Los Angeles, où elle est actrice. Elle tombe follement amoureuse d’un acteur noir, Kouhouesso, qui rêve de réaliser l’adaptation du roman Au cœur des ténèbres de Joseph Conrad au Camroun. Une passion commence entre les deux acteurs mais Kouhouesso se montre froid, distant, plus attaché à son projet qu’à la jeune femme prête à tout pour se faire aimer. Comme elle ne sait pas à quoi s’attendre avec son homme qui se rend en Afrique pour tenter de faire son film, Solange comble cette absence en recueillant un maximum d’informations sur l’Afrique à travers des sites sur Internet, la presse… car elle avoue ne rien connaître à l’Afrique.
En effet, tout l’intérêt de ce roman repose sur la façon dont Marie Darrieussecq aborde le thème de l’amour au sein d’un couple mixte qui plus est n’arrive pas à se rencontrer : Solange veut tout connaître de Kouhouesso, mais l’amant n’attend rien d’elle. Certes, ils s’aiment mais Solange n’est pas la raison de vivre de Kouhouesso. Alors que celui-ci veut accomplir différents projets professionnels, Solange n’a qu’un projet : vivre son histoire avec son amant. Au-delà de cette attente, l’auteur propose une réflexion sur l’identité à travers ses personnages acteurs qui doivent incarner des êtres : une femme et un Noir, avec tous les clichés qui leur sont associés : une façon d’être, des goûts, une culture, des revendications…
J’attendais beaucoup de la lecture d’Il faut beaucoup aimer les hommes, sans doute trop. Je suis restée un peu sur ma réserve. Peut-être à cause du personnage même de Solange, très naïve, passive et désespérément fleur bleue, incapable de sortir de cette passion univoque, capable d'accepter l'absence, de patienter sans savoir à quoi s'attendre. Peut-être à cause de cette écriture blanche proche de celle de Duras ou plus encore d’Annie Ernaux. Toutefois, Il faut beaucoup aimer les hommes est un roman intelligent, construit comme une tragédie classique, qui présage du pire. Un bon roman, donc, pour commencer cette rentrée littéraire!