Le célèbre roman de Patrick Süskind, Le Parfum, est sorti au cinéma depuis trois semaines déjà. Je n’ai lu jusqu’à présent dans la presse que de mauvaises critiques. Pierre Assouline, par exemple, ironisait sur le fait que l’on ne peut, à travers l’écran, sentir les infinies odeurs décrites dans le roman. Néanmoins, sent-on mieux les odeurs en lisant plutôt qu’en regardant ? Cet argument est donc à nuancer avant même de voir le film puisque la sensibilité et les sens sont propres à chacun de nous…
J’ai relu Le Pafum juste avant de voir son adaptation cinématographique afin de bien m’imprégner de l’histoire et surtout de l’atmosphère. Au XVIIIème siècle naquit en France un monstre, Jean-Baptiste Grenouille, qui n’eut qu’un unique objectif dans sa misérable vie : collectionner les odeurs. Il ne connut ni l’amour, ni la compassion, ni l’attachement : il ne possédait aucune qualité humaine et ne recherchait pas en l’autre ces qualités. Avec un acharnement farouche, il parvint à survivre pour parvenir à ses fins. Il travailla à Paris puis à Grasse et apprit à distiller et capturer les odeurs. Ainsi put-il mettre son plan en action : tuer de belles et jeunes femmes et mettre en flacons leur parfum.
Ce roman est vraiment magnifique, les descriptions, fort longues et abondantes, sur l’odeur des rues de Paris à l’époque, les cabinets des parfumeurs permettent de pénétrer l’univers entier de Grenouille, à qui le narrateur ne cède jamais la parole.
De son côté, le film commence par le jour de la condamnation de Grenouille : menotté, on le conduit sur la place publique où une foule de populaces diverses ainsi que son bourreau l’attendent en criant, excités à l’idée de participer au spectacle de la torture et de la mort du célèbre meurtrier. Aussitôt, retour en arrière : on reprend l’histoire de Grenouille depuis sa naissance parmi les détritus et les tripes de poissons. Le film est long, il dure deux heures et demies. Cependant, on ne s’y ennuie pas. Evidemment, il est difficile et vain de vouloir retranscrire en image les odeurs mais on perçoit aisément l’ambiance, l’air malsain et nauséabond régnant à cette époque. Certaines scènes sont violentes mais le roman n’est pas tendre non plus. Néanmoins, la fin du film est ratée car impossible à rendre de façon subtile en images : il se passe un miracle, les gens « tombent en pâmoison » devant ce meurtrier. Ce sont les termes de Süskind lui-même. Alors, à lire ces quelques pages orgiaques, on peut imaginer cette scène délirante mais portées à l’écran on frise le ridicule… C’est cru. On n’y croit pas. La foule a des expressions forcées. On s’attarde sur ces images beaucoup trop longtemps afin de percevoir le triomphe de Grenouille, homme vicieux capable de mettre les hommes à ses pieds grâce au pouvoir des odeurs.
D’autre part, le roman précise bien que Grenouille est laid, petit, voûté, bossu, ignoble en un mot, or, l’acteur est plutôt grand, mince, avec de très beaux yeux bleus, un air angélique… Ce choix détourne le sens même du roman qui veut montrer un homme sans âme, sans une once de sentiments. Dans le film, Grenouille est agréable à regarder et il nous apparaît presque comme sympathique malgré ses actes monstrueux.
Finalement, le film ne peut remplacer la lecture de cet excellent roman mais il n’est pas inintéressant non plus. Il se voulait très ambitieux, le budget était disproportionné par rapport au résultat. Néanmoins il me semble que pour certains, cela donnera envie de lire ou de relire le livre.
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