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Lalettrine.com

Anne-Sophie Demonchy
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25 septembre 2006 1 25 /09 /septembre /2006 08:44

        
  
L’auteur irlandais Nuala O’Foalain fait parler d’elle, en Europe comme aux Etats-Unis. Elle vient de publier un livre vraiment étrange : L’Histoire de Chicago May (éditions Sabine Wespieser). J’ai eu envie de le découvrir non seulement parce que la presse en parle, qu’il a soulevé des polémiques en Grande Bretagne et parce qu’il figure sur la liste de quelques prix littéraires, dans la catégorie des romans étrangers (il a déjà reçu le 5 septembre dernier le 3ème « Trophée de Virgin Megastore - Furet du Nord – Lire »). Il fallait donc que je me fasse une opinion par moi-même…

 

 Dans le prologue, l’auteur explique ce qui l’a poussé à écrire l’histoire d’une célèbre criminelle irlandaise, née à la fin du XIXème siècle : « Je savais que, avant mon époque, il existait très peu d’autobiographies écrites par des Irlandaises (…). Il me suffit d’entendre parler du livre de May pour vouloir le lire ». Et de conclure : « Je ne serais pas partie sur les traces de May si elle avait écrit l’histoire de sa vie dans sa jeunesse. N’étant plus jeune moi-même, je vois la rétrospection comme la seule source de connaissance pour chacun de nous ». Très vite, nous comprenons que Nuala O’Foalain est en complète empathie avec son sujet : elle poursuit son propos en remarquant que comme May, elle n’a pas eu d’enfant, que toutes deux ont fuit l’Irlande pour les Etats-Unis… Son projet est donc bien singulier : il s’agit de retracer la vie de Chicago May (en s’inspirant de son autobiographie, des archives des comptes-rendus de procès et autres documents) en trouvant un écho dans sa vie personnelle.

            Chicago May est née en Irlande dans un petit village, Edenmore. Très jeune, dès 19 ans, elle a voulu fuir sa condition, et a quitté son pays pour rejoindre les Etats-Unis. Sur place, n’ayant pas d’argent, elle apprit la prostitution, les vols, la débrouille. En femme libre et indépendante, elle voyagea en Europe, au Caire et à New York. Ses différents crimes lui valurent de nombreux emprisonnements, notamment en France  lorsque son amant du moment braqua l’agence American Express à Paris.

           

            Je pense que cette histoire de départ aurait pu donner un roman trépidant voire tragique. L’histoire de cette femme est exceptionnelle : elle a payé cher son indépendance à une époque où son existence devait être toute tracée… Le problème, c’est le choix méthodologique de Nuala O’Faolain : elle n’a pas simplement voulu retracer la vie de son héroïne en reconstituant son passé grâce à divers documents, elle a voulu entrecroiser le destin de May au sien. Ce qui rend un livre très étrange, inclassable. Ce n’est ni une biographie ni une autofiction, encore moins un roman. La narratrice est trop bavarde. A chaque instant, elle exprime ses doutes et ses hypothèses. Le texte est alourdi par des « peut-être », « il me semble que », des « si », des conditionnels et des questions. Parfois, elle juge les protagonistes : « Je ne sais pas ce qui est le pire dans tout ça –que May ait eu recours à une arme encore une fois, ou qu’Avery ait déposé contre elle ». Nuala O’Faolain raconte aussi qu’elle a suivi les traces de son héroïne : elle a foulé le sol du village natal de May, a essayé de ressentir ce qui a poussé May a fuir les siens. Et surtout, elle entremêle les expériences de May aux siennes afin d’y trouver des correspondances : « Quand j’étais enfant, celle qui revenait ainsi, aussi exotique qu’un martin-pêcheur, c’était la jeune sœur de ma mère, Maureen. (…) Je vois May quand je me rappelle de Maureen en visite, assise dans son lit (…). La famille de May vit-elle dans ses yeux la fillette qu’elle avait été autrefois ? ». Je n’ai pas aimé ce livre non seulement parce que je n’y ai reconnu aucun genre bien défini, mais surtout parce que l’omniprésence de la narratrice m’a irritée. Je n’ai, à aucun moment, réussi à m’identifier à l’héroïne : les deux femmes semblaient sans cesse être en concurrence et May n’avait plus son indépendance revendiquée, elle reste prisonnière des hypothèses de l’auteur.
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commentaires

A
Merci pour votre analyse approfondie de ce récit
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B
Une écriture simple et rigoureuse qui prend toujours soin de distinguer les faits avérés et vérifiés des actes prêtés ou imaginés, soit par elle-même soit par les journalistes et écrivains de l'époque. Ce qui fait tout l'intérêt de ce bouquin, c'est précisément le mélange, l'intrication entre le récit biographique des aventures de Chicago May et les interrogations, digressions, hésitations, de sa biographe qui explore les rares matériaux encore à disposition de l'enquête. Car l'histoire de Chicago May en cache une autre : celle de la quête de Nuala O'Faolain. Une quête à la recherche de la personnalité de May Duignan, la femme qui se cache derrière ce « personnage » qu'est Chicago May. La recherche également de la compréhension des conditions qui sont à cette époque celles de ces émigrants irlandais qui sont en quête d'un monde sinon meilleur, peut-être moins pire que l'île qu'ils ont été forcés de quitter. L'étude de la condition des femmes, surtout, qu'un double ostracisme exclut deux fois de la société : parce que ce ne sont que des irlandaises dans un monde dominé par les protestants anglais et parce que ce ne sont que des femmes dans un monde gouverné par les hommes (c'est aussi l'époque des suffragettes).
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F
Je découvre ton commentaire sur ce livre maintenant. J'avais eu le même sentiment que toi par rapport à cette incapacité à choisir un genre relativement clair. Je ne suis jamais entrée dans le livre et l'ai fini en diagonale :(  citation de ma note d'époque : "Sa façon de vouloir partager avec le lecteur ses interrogations et les aspects qu'elle se croit obligée d'inventer ne m'ont pas séduite. Son livre est bâtard, entre la biographie et le roman ; on n'arrive à croire ni en l'un, ni en l'autre."Par contre, j'ai aimé tous les autres livres de cet écrivain !
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A
Je me souviens avoir lu, il y a quelques mois ton billet sur ce livre et pense même avoir laissé un message... Et c'est vrai que ce livre est très particulier. Je n'ai pas accroché alors que j'aime beaucoup les romans publiés par l'éditrice Sabine Wespieser.
A
Merci pour tes propositions de lecture suite au challenge.<br /> Je constate que les avis sont partagés sur ce livre.<br /> Comme je n'ai jamais lu cette auteure, je n'ai pas d'appriori et puis les livres avec une héroîne ne sont pas "monnaie courante" alors je vais le tenter en 2007 et je reviendrais te donner mon avis<br />  <br />  
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A
Je compte sur toi !Bonne lecture !
D
L'originalité serait-elle fille du mépris? Si bien que toute oeuvre nouvelle devrait être indigne d'estime par le simple argument de nouveauté. Nuala O'Faolain ne nous livre pas une biographie classique. Où est l'ineptie? L'auteur irlandaise tombe le costume de l'écrivain pour endosser celui du lecteur émerveillé, passionné, cédant aux critiques et à son propre enthousiasme. Ne nous sommes-nous jamais nous-même identifié à un héro? Nuala ne fait que nous accompagner dans nos rêveries. Cette approche excentrique, enjouée, personnelle n'est-elle pas au fond une chance pour la littérature? Je comprends que l'on puisse être déstabilisé par ses interventions répétées mais Diderot, Nerval ou Chateaubriand n'ont-ils pas fait de même en leur temps? Leur travail a finalement été salué. Pourquoi ne pas donner sa chance à Nuala..?
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