Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Lalettrine.com

Anne-Sophie Demonchy
Des livres, des films, des expos et bien plus encore...

 

Mail : annesophiedemonchy [a] lalettrine.fr

Twitter : @asdemonchy

Mon CV : annesophiedemonchy.com

 

 

768 000  lecteurs et
plus de 230 livres chroniqués
depuis le 21 août 2006

follow-me-twitter.png

Recherche

Ma bibliothèque

Mes livres sur Babelio.com

Archives

Infos







logo-lettrine-negre-litteraire.jpg

 

 

classement-lettrine.jpg

 





8 octobre 2008 3 08 /10 /octobre /2008 09:55

Lécrivain finlandais, Kjell Westö est de passage pour quelques jours à Paris. J’en ai profité pour le rencontrer afin de l’entretenir sur son roman Les Sept Livres de Helsingfors. Kjell Westö est revenu sur l’origine de son projet, les enjeux politiques et linguistiques de la Finlande, son travail d’auteur…

 

 

Quelle a été l’origine de votre projet ?

J’ai déjà écrit trois romans avant celui-là. Deux d’entre eux avaient des liens avec Les Sept Livres… J’avais envie d’écrire un roman sur Helsinki (Helsingfors), où le cadre est la ville et son l'histoire. Dans mon précédent roman, Le Malheur d’être un Shrake (Gaïa), j’ai parlé de la deuxième moitié du XXe siècle. Dans Les Sept Livres de Helsingfors, je souhaitais à présent parler de la première moitié du siècle. Pour cela, j’ai choisi des gens qui sont nés autour de 1900 et qui ont eu une vie pas très facile puisqu'ils ont été jeunes au moment de la Première Guerre mondiale, ils ont ensuite connu la guerre civile. Ils avaient environ 18 ans, ensuite ils ont connu la Seconde Guerre mondiale, et donc on peut dire qu'ils n'ont pas eu de chance !

Il n'y a pas que la tragédie puisqu'ils ont aussi pu vivre des choses fort intéressantes dans le domaine de l'art et de la politique à une période assez mouvementée. Ils ont eu beaucoup d'expériences. Dans le roman, il y a ces deux aspects : à la fois le côté tragique et le côté plus enthousiasmant.

 

Votre livre aborde pas mal la musique, notamment le jazz, il y aussi la photographie avec les deux personnages qui sont photographes. Pourquoi avez-vous choisi d'aborder l’histoire de l’indépendance de la Finlande avec des personnages qui sont des artistes et non des gens du peuple qui seraient des ouvriers, des paysans...

Il y en a quelques uns, mais c’est vrai, ils sont artistes car tout simplement je n'aime pas tellement écrire des pages et des pages sur des hommes d'affaires, moi je suis un peu bohème et artiste, donc je suis mieux placé pour écrire sur le sujet, avec des personnages qui sont proches de moi.

J’ai choisi aussi de parler d’art car tous ces gens qui tournent autour de la photographie ou du film représentent bien ce siècle placé du côté du visuel. C'est l'œil et l'image qui guident cette période.

J’ai également un faible pour la musique puisque je suis moi-même musicien. J’ai joué de la guitare et j’ai suivi toute l'histoire de la musique. Cela m’a donc semblé naturel d’en faire référence dans mon livre.

 

Vous parlez des années folles : y a-t-il eu le même engouement artistique en Finlande qu'en France ?

La Finlande est certes à la périphérie de l'Europe, mais cela n'empêche pas les impulsions artistiques d'arriver. Ces impulsions se font sentir jusque-là avec peut-être plus d'intensité puisqu'elles sont ressenties de loin et sont très appréciées. En plus, il y a souvent des gens d'avant-garde qui s'occupent de faire arriver ces tendances et ces mouvements jusque dans ces contrées. Mais j’ai voulu montrer aussi la naïveté de ces Finlandais très impressionnés d’entendre cette musique ou de rencontrer les artistes…

 

L'un des personnages, Lucie, voyage en France et rencontre entre autres Joséphine Baker et Sidney Bechett...

A l'époque, Paris était la capitale culturelle même s'il se passait des choses à Londres et à New York, mais c'était la capitale culturelle mondiale même les Américains comme Hemingway ou Miller venaient à Paris de temps en temps pour respirer la culture.

C'est aussi une façon pratique et efficace de se distinguer en disant qu'on est parti à Paris et qu'on a côtoyé les artistes.

C'est d’ailleurs ce que j’ai fait puisqu'à l'âge de 18 ans, j’ai pris le train pour Berlin, Paris, Madrid...

 

Vous êtes cependant revenu à Helsinki pour raconter cette histoire. Pourquoi avez-vous eu envie de raconter l'histoire de cette ville ?

Je suis un réaliste et en tant que tel, il me faut un milieu que je connaisse bien dans tous ses aspects, la géographie historique, sociale, etc. et ce que je connais bien, c'est Helsinki, la ville où j’ai toujours vécue.

Helsinki est une ville qui a grandi vite et est apparue tard. En outre, c'est une ville portuaire, où il se passe pas mal de choses, d'influences et de rencontres, et tout ça enrichit son tableau sur le plan historique.

 

Comment avez-vous procédé pour composer cette fresque historique ?

Je fais d’abord un travail de lecture, en particulier des biographies, des mémoires de personnes qui ont vécu dans cette ville et c'est assez tendance dans les pays du Nord de faire des fresques historiques, bien situées socialement, avec des personnages assez faciles à identifier comme modèles. Moi, je prends une certaine distance par rapport aux personnes ayant vraiment existé mais il y a toujours des modèles existants derrière.

Je me suis beaucoup inspiré de photographies, j’ai passé parfois des heures à regarder certaines photographies de l'époque du livre pour m'inspirer et ressentir le personnage afin de le faire vivre de façon plausible, surtout qu'il n'y a pas tellement de documents sur cette époque.

J’aime bien faire apparaître les côtés oubliés de l'histoire ou clandestins. Par exemple, l'un des personnages pratique la photographie érotique ou pornographique. Je voulais montrer par là que la photo érotique n'a pas commencé dans les années 1960 comme on le croit parfois : ça existait déjà auparavant, dès l'époque des premières photographies.

 

Est-ce que vous vouliez dénoncer le côté prude de cette époque, puisqu'on brûle ces photos à la mort du personnage ?

Cette scène que vous avez évoquée où un groupe d'hommes décide de brûler les photos de leurs femmes nues est l'une des plus importantes du roman car cela montre bien les mentalités de l’époque : la pression sociale est très forte contre la beauté et la liberté des femmes qui ont posé nues librement, elles n'étaient ni forcées, ni exploitées. En brûlant ces photos, leurs maris nient la liberté qu'elles avaient essayé de prendre. Ces hommes avaient peur que leur noms soient salis, que leurs descendants en paient les conséquences…

Je suis un peu anarchique et j'essaie de briser des tabous et certaines idées préconçues. Helsinki est une ville bilingue et les suédophones sont minoritaires, ils constituent un tout petit groupe qui en tant que tel a d'autant plus de contraintes sociales. Tout le monde se connaît facilement. Dans mon roman, en effet, tous mes personnages sont suédophones…

Au tout début, Helsinki est totalement suédoise. Vers le début du XXe siècle, il y avait autant de suédophones que de fennophones. Puis, peu à peu, la partie suédoise commence à devenir minoritaire. Maintenant, dans le pays, seulement 6% de la population est suédophone.

Les habitants sont forcément bilingues, mais c'est un bilinguisme forcé. Les deux langues n'ont aucun rapport. Cela implique l'apprentissage total de l'autre langue, ce qui implique une certaine bonne volonté. Tout suédophone est forcément fennophone. En revanche, un fennophone peut se replier sur sa majorité (94%).

 

Pourquoi ces deux langues cohabitent-elles ?

C'est lié à l'histoire du pays. Pendant 600 ans, les Suédois ont colonisé la Finlande, depuis le XIII. Pendant des siècles, la Finlande était une partie de la Suède. En 1809, la Finlande a été cédée à la Russie et ce n'est qu'en 1916-1918 qu'elle est devenue indépendante. Le bilinguisme est donc l'aboutissement d'une situation historique. Et pendant longtemps, la littérature finlandaise était uniquement suédophone. La littérature fennophone n'a commencé qu'avec les Romantiques. Aujourd'hui, il y a deux sociétés littéraires en Finlande, toutes deux très actives.

Il y a plusieurs façons d'être suédois en Finlande : se replier sur son milieu, comme le font certains paysans ou pêcheurs sur la côte de la Finlande. Mais pour moi, je suis complètement bilingue. Je suis capable d'écrire des articles et des nouvelles en finnois. Je ne peux pas en revanche écrire en finnois de la poésie ou de longs romans.

 

Comme ce livre raconte l'histoire de l'indépendance de la Finlande, comment ce livre a-t-il été reçu dans le pays ?

Il y a eu deux sortes de réception : la fennophone et la suédophone. J’ai été surpris de voir que même parmi ceux qui pouvaient être moins réceptifs, une certaine maturation du raisonnement et de la pensée s’était faite. La réaction a été moins négative que je n’aurais cru. Mais, on m’a dit dit  que si ce livre avait été publié dans les années 1970, certaines choses auraient été passées sous silence : certains aspects (extermination des Rouges par exemple, les rapts, etc) étaient encore à vif. C’est un livre qui aurait été trop politique. Cela dit, mon livre a reçu le prix Finlandia.

Pour moi, c'est une belle aventure car j’ai écrit ce roman dans une langue minoritaire dans mon pays mais il s'est vendu à 20 000 exemplaires en suédois, et 110 000 en finnois.

 

Y aura-t-il une suite ?

Je suis en train d'écrire le prochain livre qui se passera dans les années 1960 et on verra en principe l'un des personnages, Lucie, vieille femme.

 

 

Les Sept Livres de  Helsingfors, Kjell Westö, traduit du suédois par Philippe Bouquet, éditions Gaïa, 2008, 509 p., 24€

Partager cet article
Repost0

commentaires

C
<br /> Bonsoir,<br /> Cet entretien mériterait d'être relu et corrigé, il est rempli de fautes et de coquilles !<br /> En outre, une erreur historique : la Finlande est passée sous contrôle russe en 1809, et non en 1909.<br /> <br /> En revanche, merci d'avoir réalisé et mis en ligne cet entretien.<br /> <br /> <br />
Répondre
A
<br /> Bonsoir, <br /> merci pour vos remarques qui m'ont donné l'occasion de relire et de corriger cet interview. Il était temps ! Très bonne année 2010 et merci pour vos encouragements,<br /> <br /> <br />