Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Lalettrine.com

Anne-Sophie Demonchy
Des livres, des films, des expos et bien plus encore...

 

Mail : annesophiedemonchy [a] lalettrine.fr

Twitter : @asdemonchy

Mon CV : annesophiedemonchy.com

 

 

768 000  lecteurs et
plus de 230 livres chroniqués
depuis le 21 août 2006

follow-me-twitter.png

Recherche

Ma bibliothèque

Mes livres sur Babelio.com

Archives

Infos







logo-lettrine-negre-litteraire.jpg

 

 

classement-lettrine.jpg

 





28 juillet 2008 1 28 /07 /juillet /2008 12:27

Lecteur, si tu as envie d’un peu de paix et de sérénité, je te conseille de passer ton chemin aujourd’hui car la littérature que je te propose est loin d’être douce et harmonieuse… Bien au contraire… Elle risque de heurter ta sensibilité et de te faire bondir si tu n’es pas adepte de l’humour noir. A présent, tu es prévenu.


Fernando Vallejo est un auteur contemporain, d’origine colombienne, qui s’est exilé, au Mexique, pour fuir la bêtise de ses concitoyens qui ont élu Alvaro Uribe à la tête du pays. Pédéraste, homosexuel, athée, il aime cultiver sa différence. Ses romans, tous plus ou moins autobiographiques, ne cessent de dénoncer l’hypocrisie et l’étroitesse d’esprit des hommes. Dans son roman le plus connu, La Vierge des tueurs, adapté au cinéma par Barbet Schroeder, l’auteur évoque sa passion pour les jeunes garçons et dénonce l’enfer colombien. En septembre dernier, était sorti chez Belfond Carlitos qui êtes aux cieux, récit narrant les déboires politiques de Carlos, frère de Fernando Vallejo, qui décide de se présenter aux élections municipales de Tamesis, occasion pour l’auteur de développer ses thèmes de prédilection comme la corruption, la violence et l’homosexualité dans une langue très haute en couleur, débordant de toutes parts, à la fois truculente et vulgaire, ironique et choquante. J’étais sortie de cette lecture complètement déboussolée ne sachant trop quoi en penser tant l’écriture est agressive, répétitive, excessive…


Parce que je n’avais pas envie de m’arrêter à ce roman déstabilisant, j’ai entrepris la lecture de Et nous irons tous en enfer (Le Serpent à plumes). L’écriture de ce roman autobiographique précède celle de Carlitos. Cette fois, l’auteur est aux côtés de son frère atteint du Sida, dans l’espoir de le soutenir dans ses derniers moments. Le livre déborde d’émotions diverses : de tendresse à l’égard du frère malade et de haine à l’égard de sa mère qu’il appelle la Folle, du Pape, de Dieu…

De nombreux thèmes sont développés dans une prose extravagante et explosive. La narrateur évoque ses rapports houleux avec sa mère, cette femme qu’il déteste au plus haut point pour différentes raisons. D’abord c’est une femme égoïste, incapable d’aucune bonne action si ce n’est engendrer des enfants. C’est ainsi qu’elle en eut 25 ! Mais en dehors de cette qualité de mère porteuse, elle n’est douée d’aucun don… Elle ne sait pas entretenir une maison, s’occuper de ses enfants. L’auteur l’accuse même d’avoir condamné à mort son père en le mettant à bout de nerfs. Il n’attend qu’une chose à son tour : qu’elle décède ! Les lignes qui lui sont consacrées sont particulièrement féroces, implacables, sans rédemption possible.


Mais, il lui voue une haine sans bornes également à la religion. Ainsi dès la première page, le ton est donné : « Dieu n’existe pas, et s’il existe, c’est un porc, et la Colombie un abattoir ». Plus loin, ce sera le Pape qui sera comparé à un porc. Il faut se rappeler en lisant des textes sud-américains que ces pays sont encore très influencés par la religion et que la moralité domine les mentalités choquées par l’évolution des mœurs et très attachés au respect des traditions. Fernando Vallejo est d’autant plus violant et provocateur qu’il a fait des choix de vie contraires à la morale.


Certains lecteurs pourront être davantage choqués encore avec l’omniprésence de la Mort qui est personnifiée et tient évidemment un rôle de premier ordre ici. Elle est comparée à « la vile chienne » qui pointe son bout du nez de temps à autre afin de montrer qu’elle n’a guère oublié d’emporter avec elle le père puis le fils. Il faudra bien mourir à un moment ou l’autre affirme l’auteur… Avec un humour grinçant, il constate que son frère, malgré les conseils des médecins, ne peut s’empêcher de boire de l’eau de vie et de brûler sa vie par tous les bouts et en conclut : « va-t-on cesser de vivre pour soigner le sida ? La vie est un sida. Si vous n’y croyez pas, regardez les vieux : épuisés, squelettiques, immunodéficitaires, avec des taches sur tout le corps et des poils sur les oreilles qui poussent et poussent tandis que leur sexe se retire. Si ce n’est pas le sida, ça, alors, je me demande ce que c’est ».


Parce que la mort ne lui fait pas peur, le narrateur l’interpelle familièrement et engage parfois la discussion avec elle. Puisque le Pape est son pire ennemi, il lui demande quand va enfin mourir Jean-Paul II et la Mort de lui répondre : « on y songe, on y songe ». Mais la présence de la Mort peut être aussi oppressante quand le frère décide de vivre comme lui a conseillé Fernando Vallejo, au jour le jour, au gré de ses plaisirs, cédant à l’envie de consommer du crack. Immédiatement « la Mort s’était mise en panne sous le linteau de sa porte, attendant la première brise favorable pour entrer ».


Et nous irons tous en enfer est un hommage à Darío, le frère condamné, qui a passé la fin de sa vie allongé dans son hamac à fumer des joints… Le narrateur change alors de ton : à la haine succède l’émotion et la tendresse envers celui qui ne mérite pas de souffrir quand tant de personnes mal intentionnées (comme la mère et le Pape, vous l’aurez compris) continuent de vivre en toute impunité.

 

Partager cet article
Repost0

commentaires

L
j'ai eu la chance de lire ce livre l'été dernier et j'ai adoré.au debut j'ertais choqué par les propos de l'auteur mais au fur et a mesure que j'avancais dans la lecture je n'ai pu qu'etre submergée.en tout cas je le conseille a tous les amateurs de bonne lecture.je savais pas pour les deux autres romans je vais essayer de les avoir.
Répondre
G
 "... auteur contemporain, d’origine colombienne, qui s’est exilé, au Mexique, pour fuir la bêtise de ses concitoyens qui ont élu Alvaro Uribe à la tête du pays". C'est vrai, quoi, ils sont idiots, ces Colombiens qui votent comme ça leur chante, sans demander l'avis des auteurs qui vont être obligés de fuir la bêtise de leurs votes. C'est bien, ce petit verbe "fuir", ça induit intelligemment l'idée de persécution politique, et même de réfugié.  
Répondre
K
Un auteur que j'adore et une voix colombienne bien particulière. Beau billet, Anne-Sophie, qui reflète bien le personnage, son écriture et ses (ana)thèmes de prédilection...
Répondre
S
Je ne connaissais pas cet auteur. Mais ce qu'il semble intéressant! Merci pour cette description qui donne envie de découvrir cet écrivain torturé!
Répondre