J’aime le récits d’enfance, surtout quand l’auteur est parvenu à prendre de la distance par rapport à son histoire familiale, suffisamment pour faire de son passé une histoire qui touche à l’imaginaire.
C’est ce tour de force qu’a réussi le danois Knud Romer, avec Cochon d’Allemand (aux éditions Les Allusifs). Quand il naît en 1960 dans la petite ville de Nykobing Fallster, « ville si petite qu’elle se termine avant même d’avoir commencé », l’auteur se voit traiter de « cochon d’Allemand ». Il ne sait pas ce que cela signifie. Il remarque néanmoins que ses camarades ne veulent pas de lui, les commerçants vendent systématiquement des produits à sa mère, les habitants font le salut nazi en signe de mépris lorsqu’ils passent dans la rue. Mais, en reconstituant l’histoire de sa famille, il va comprendre que des années après la fin de la guerre, les Danois conservent un sentiment de haine à l’égard des Allemands, même si ceux-ci étaient opposés au régime nazi, voire résistants, comme ce fut le cas de sa mère.
Dans ce roman, à l’humour corrosif, Knud Romer raconte le destin de sa mère, séparée de sa famille pendant la guerre, ayant réussi à récupérer, pour un temps, les biens de ses parents confisqués par les nazis, cette mère héroïne et pourtant rejetée dans la petite ville danoise où elle est venue rejoindre son mari. L’auteur ne se contente pas de retracer le parcours de sa mère et de ses grands-parents, il raconte également avec nostalgie et humour quelques souvenirs de son passé. J’ai beaucoup aimé le passage où il explique comment il a eu le goût pour la lecture : grâce au sexe ! « Le sexe était un grand inconnu ; dans la famille, ça n’existait pas ». Or, en allant chez Papa Schneider, son grand-père, il examina la bibliothèque et trouva une encyclopédie illustrée. Il tomba sur la photo d’ « une femme nue, le teint rose, pas un poil sur le corps, pas un cheveu sur la tête – complètement chauve ! » : il pu déplier l’image, observer les boyaux et les tripes. Mais cette vision « écoeurante » lui « donna envie de lire ».
Le livre entier est écrit dans cet esprit décalé mais également satirique : Knud Romer dénonce l’étroitesse d’esprit de ces gens incapables d’ouverture d’esprit et d’intelligence.